1818, Fresnel et la théorie ondulatoire de la lumière

tache de poisson
Tache de Poisson obtenue au lycée Camille Jullian, Bordeaux

Siméon Poisson, qui ne croit pas à la théorie ondulatoire de la lumière, croit pouvoir mettre le jeune Augustin Fresnel en défaut avec sa théorie ondulatoire. D’après cette théorie, on devrait avoir de la lumière derrière un objet opaque  interposé entre une source lumineuse ponctuelle et un écran, impossible pense Poisson! Et pourtant…

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L’optique géométrique

loi réfraction
La réfraction

Au troisième siècle avant notre ère, Euclide formule ses conceptions de la lumière dans son Optique. La lumière est formée de rayons lumineux et se propage en ligne droite. La loi de la réflexion fut formulée par Lucrèce au 1er siècle av. J.-C. dans le livre IV de son Optique et reprise par Héron d’Alexandrie au premier siècle. Les lois de la réfraction furent formulées pour la première fois en 1621 par le hollandais Snel van Royen et René Descartes se les appropria pour les publier en 1637 dans sa Dioptrique.

La nature de la lumière

Le phénomène de la diffraction a été découvert par le jésuite Francisco Maria Grimaldi et dont les expériences sont décrites dans son ouvrage Physico-mathesis de lumine, coloribus et iride, paru à Bologne en 1665. La nature de la lumière ne fut pas vraiment posée jusqu’au XVIIème siècle et cette découverte. Deux théories commencent à s’affronter : la théorie corpusculaire qui affirme que la lumière était formée par une succession de grains matériels (c’est le point de vue de Newton) et la théorie ondulatoire selon laquelle des ondes sont émises par l’objet (défendue par Christiaan Huygens). Regardons de plus près l’histoire de cette théorie ondulatoire.

Les modes de vibrations d’une onde

Une corde peut vibrer de deux manières différentes : longitudinalement lorsqu’elle est frottée, par exemple avec un archet de violon, ou transversalement lorsqu’elle est frappée par le marteau d’un piano. Les vibrations de la lumière sont-elles longitudinales ou transversales ? C’est là un point capital auquel Fresnel va apporter une réponse.

Onde_compression_impulsion_1d_30_petit
Onde longitudinale
Onde_cisaillement_impulsion_1d_30_petit
Onde transversale

Une vibration est longitudinale si la déformation provoquée est dans le sens de propagation de l’onde. Les ondes sonores se propagent longitudinalement par compression de l’air. Une vibration est transversale si la déformation provoquée est perpendiculaire au sens de propagation de l’onde. On imagine facilement l’ondulation d’une corde se propageant lorsqu’on agite cette corde à son extrémité. C’est une onde transversale à une dimension. Un caillou jeté dans l’eau provoque des perturbations, des vaguelettes, et un cercle apparaît à la surface. C’est une onde transversale de dimension deux. La lumière se propage dans toutes les directions et c’est une onde transversale de dimension trois.

Robert Hooke fut le premier, dans sa Micrographia publiée en 1665, à attribuer l’origine de la lumière à des vibrations transversales, perpendiculaires à la direction de la propagation. Mais l’état des mathématiques ne permettait pas, à cette époque, de développer une analyse de la propagation des ondes dans un milieu continu.

ondelettes huygens
Principe de Huygens

Dans son traité paru en 1690, Christiaan Huygens émet l’hypothèse que la lumière est due à des vibrations longitudinales de l’éther, hypothétique milieu matériel permettant la propagation des ondes. Les ondes se propagent à une vitesse finie (qui avaient été mesurée en 1676 par le danois Römer (voir onglet « le coin du prof »)) et sans transport de matière. Il émet le principe, qui porte son nom :

Chaque centre matériel d’ébranlement émet lui-même une onde sphérique et chaque point de cette onde sphérique devient une nouvelle source d’ébranlement.

Pour lui, la direction de propagation d’une onde lumineuse dépend de la forme et de l’orientation d’une certaine surface, la surface d’onde, caractéristique de chaque milieu. Grâce à cette théorie, Huygens parvient à expliquer la réflexion et la réfraction. Mais ces ondes longitudinales ne permettent pas à Huygens de donner une explication satisfaisante de la propagation rectiligne de la lumière.

Les trous d’Young

interférences fentes young
Interférences dans l’expérience des trous de Young

En 1801, Thomas Young, jeune médecin, place une source lumineuse ponctuelle, provenant d’un trou éclairé, derrière un écran opaque percé de deux trous et observe des franges d’interférences sur un écran. Les bandes obscures et brillantes alternées disparaissent lorsqu’on occulte un des trous. Il s’aperçoit que les franges ont la forme d’hyperboles et non de droites. C’est un argument contre la théorie corpusculaire. Il construit au compas des cercles concentriques centrés sur la source lumineuse et d’autres centrés sur les bords de l’écran diffractant. Ils se coupent selon des hyperboles ! Il n’y a plus de doute, la théorie ondulatoire est la seule valable. Young publie ses résultats en 1804, mais son exposé manque de clarté et de précision. Le monde scientifique britannique (et donc partisan de la théorie corpusculaire de Newton) se déchaîne contre lui et l’affaire ne passe pas inaperçue en France et Arago entend parler de la théorie ondulatoire.

Les travaux de Fresnel

hyperboles de Fresnel
Hyperboles de Fresnel

Avec un fil de 1mm de diamètre, on observe à l’intérieur de l’ombre des franges équidistantes et parallèles et à l’extérieur des franges non équidistantes de contraste décroissant. Pour obtenir une figure de diffraction par un objet étendu, le faisceau du laser a été élargi avec une distance de courte focale, ici un objectif de microscope x 10. Le faisceau a été épuré par un diaphragme de 100 micromètres de diamètre environ et l’écran d’observation placé à environ deux mètres.

Siméon Denis Poisson ne croit pas en la théorie ondulatoire. Ce mathématicien et académicien, membre du jury qui doit départager les Mémoires en compétition croit pouvoir mettre en défaut les idées du jeune Augustin Fresnel. D’après les intégrales de Fresnel, si on éclaire une bille, on devrait avoir de la lumière en plein centre de l’ombre de la bille, ce qui est contre-intuitif. Il pense que l’expérience permettra de disqualifier Fresnel et la théorie ondulatoire.

L’expérience dite de la « tache de Poisson » a été réalisée avec une bille en acier de 3mm de diamètre environ collée sur une lame de microscope et placé dans le faisceau élargi et épuré. Sur la figure de diffraction, on observe bien un point lumineux en plein centre de l’ombre de la bille. C’est l’expérience décisive qui permettra à Fresnel de remporter le prix de l’Académie des Sciences en 1818.

Pour les furieux, la théorie de la tache de Poisson est ici


Bibliographie

Brezinski C., Ampère, Arago et Fresnel, Hermann, 2008

Fresnel A., Œuvres complètes, Imprimerie impériale, 1866

Houard S.,  Optique, une approche expérimentale et pratique, De Boeck, 2011

Huygens C., Traité de la lumière, Dunod, 1992

Newton I., Optique, Dunod, 2015

Rousset A. Six J. Des physiciens de A à Z, Ellipses, 2014


Programmation musicale

  • Introduction : Antonin Dvorák, Symphony No. 9 en mi mineur (du Nouveau Monde), B. 178 (Op. 95), Adagio – Allegro molto, 1893.
  • Johann Pachelbel, Canon en Ré majeur, env. 1700
  • Henry Purcell, Three parts upon a ground en Fa majeur, Z.731, 1680
  • Gioachino Rossini, Ouverture du Barbier de Séville, opéra, 1816
  • Frantz Schubert, Symphonie n°2 en si bémol majeur, D. 125, Andante, 1814
  • Gaetano Donizetti, Ouverture de « Enrico di Borgogna », opéra, 1818

 

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