1868, La découverte de l’hélium

Spectres d'étoiles [A]
Spectres d’étoiles [A]
Etudier des spectres n’a rien à voir avec l’étude des fantômes puisqu’il s’agit d’étudier la lumière. L’analyse spectrale est essentielle en astronomie pour déterminer les éléments chimiques présents dans une étoile comme le Soleil, dans une comète comme Tchouri ou dans des nébuleuses. Grâce à l’effet Doppler, on peut aussi détecter sur un spectre si un astre s’éloigne ou se rapproche de nous. Observer que les galaxies s’éloignent les unes des autres a été une preuve expérimentale forte de l’expansion de l’Univers. Petit retour sur l’histoire de cette technique d’analyse.

Newton et son prisme

Isaac Newton [B]
Isaac Newton [B]
En 1665, le jeune anglais obtient un degré de bachelier es arts mais cette même année, la peste s’abat sur la ville et Newton interrompt ses études durant deux années. C’est pendant cette période que Newton effectue la plus grande partie des ses découvertes et c’est là que la tradition situe la fameuse histoire de la pomme, qui n’est probablement qu’une invention. Pourtant, s’il développe ses principales thèses, notamment en optique, il ne publiera rien avant de nombreuses années, par peur des discussions et confrontations avec ses contemporains. Newton définit la notion importante de réfrangibilité des rayons lumineux, qui lui permet de justifier sa théorie des couleurs :

Th 1. Les rayons qui diffèrent en couleur diffèrent aussi en réfrangibilité.
Th 2. La lumière du soleil est composée de rayons différemment réfrangibles. Livre I. Prop. 1 et 2.

Ces propositions sont établies sur la base de neuf expériences utilisant un ou plusieurs prismes de verre. Newton interprète le spectre observé avec un prisme comme résultant de la juxtaposition des «images» du soleil dans les différentes couleurs, en utilisant les deux propositions précédentes.

Expérience de Newton avec les prismes [B]
Expérience de Newton avec les prismes [C]
Pour établir ces propositions, il réalise l’expérience « cruciale » dont il donne le schéma ci-contre. Newton décrit son expérience :

Ayant introduit dans ma chambre obscure un gros faisceau de rayons solaires, par un trou fait au volet, je le fis tomber sur un prisme peu distant ABC, de manière à projetter le spectre au fond de la chambre. Proche de ce prisme j’élevai verticalement une planche mince DE, percée en G d’un trou rond de quatre lignes, afin de transmettre une partie de la lumière réfractée. Ensuite, environ à 12 pieds de cette planche, j’en élevai une autre de percée en g d’un pareil trou, afin de ne donner passage qu’à une partie de la lumière incidente. Immédiatement après le dernier trou, je fixai un second prisme abc pour réfracter les rayons transmis. Alors je revins promptement au premier : et le tournant peu à peu sur son axe, je fis monter et descendre l’image projetée sur la seconde planche ; en sorte que les rayons de toutes ses parties pouvaient passer successivement par le trou de cette planche, et tomber sur le prisme qui était derrière : en même temps je marquai sur le mur opposé les endroits MN où tombait chaque espèce de rayons, après avoir été réfractés par le second prisme ; et tandis que le premier tournait sur son axe, je remarquai que ces endroits placés au-dessus l’un de l’autre changeaient sans cesse. Par leurs hauteurs respectives, je trouvai constamment que les rayons violets, qui avaient souffert la plus grande réfraction dans le premier prisme, souffraient aussi la plus grande réfraction dans le second prisme ; et ainsi des autres espèces …

Dispersion de la lumière blanche à travers un prisme [C]
Dispersion de la lumière blanche à travers un prisme [D]
En faisant passer la lumière blanche à travers un prisme, on obtient le spectre de la lumière blanche qui s’étend du violet au rouge, le domaine des ondes électromagnétiques auquel notre oeil est sensible, c’est le domaine visible. Ce spectre est continu. Dans sa 11ème proposition, Newton reconstitue un faisceau de lumière blanche en faisant se superposer les couleurs séparées par un prisme, qu’il disperse à nouveau pour en vérifier la composition. En conclusion, Newton a démontré que la lumière blanche est composée de toutes les couleurs. Cherchant à interpréter la nature de la lumière, il la suppose analogue aux sons : pour lui, les couleurs sont équivalentes aux 7 notes de la gamme occidentale, c’est la raison pour laquelle il place une 7ème couleur, l’indigo, entre le violet et le bleu du spectre. En fait il n’y a pas 7 couleurs dans l’arc-en-ciel mais une infinité. Cette erreur est tenace.

La raie D du sodium

Si le prisme fut historiquement utilisé pour l’étude de la lumière blanche, un autre dispositif va le supplanter : le réseau. La fabrication du premier réseau a été réalisée en 1819 par le bavarois Joseph von Fraunhofer (1737-1826) en bobinant un fin fil de cuivre entre deux tiges filetés parallèles [2]. Actuellement les réseaux de précision sont réalisés par gravure d’une plaque de verre ou de métal à l’aide d’une pointe fine et dure. Ils contiennent plusieurs centaines de traits par millimètres.
Raies de Fraunhofer dans le spectre du soleil []
Raies de Fraunhofer dans le spectre du soleil. Le rouge se trouve à gauche, le violet à droite [E].
Mais déjà en 1802, l’anglais William Wollatson (1766-1828) découvre quelques raies noires dans le spectre du Soleil mais il ne sait pas les interpréter et s’en désintéresse [3]. L’allemand Fraunhofer, en observant le spectre avec une très grande précision, se rendit compte que celui-ci n’était pas continu, mais présentait une multitude de petites lignes obscures appelées des raies spectrales. Ces lignes correspondaient à des longueurs d’onde qui, pour une raison inconnue à l’époque, étaient absentes du rayonnement solaire. Il en observe plus de 500 qu’il nomme selon l’alphabet A, B, C, D, …, a,b,… Il constate sans l’expliquer, que la raie D est la même que celle du sodium.

Spectres d’émission et d’absorption

L’explication de ce mystère fut le fait de Robert Bunsen (1811-1899) et de Gustav Kirchhoff (1824-1887). Ces deux physiciens construisirent ensemble un spectroscope qui permet d’agrandir fortement le spectre obtenu. Ils utilisèrent leur nouvel appareil pour étudier le rayonnement de différents types de corps, en particulier des gaz. Ils découvrirent alors un phénomène très étrange. Le spectre d’un gaz chaud est formé d’un ensemble de raies brillantes, appelées des raies d’émission, sans aucun fond continu.
Les différents spectres possibles : continu, spectre d'absorption, spectre d'émission
Les différents spectres possibles : continu, spectre d’absorption, spectre d’émission [F]
De façon tout aussi mystérieuse, le spectre d’un corps noir, après passage dans un gaz froid, était continu mais parsemé de raies obscures, des raies d’absorption. Bunsen et Kirchhoff conclurent de leurs expériences que les constituants d’un gaz ne pouvaient émettre ou absorber de la lumière que dans certaines longueurs d’onde bien définies. Lorsqu’ils observaient un gaz chaud, le spectre était constitué de raies d’émission aux longueurs d’onde que ces constituants pouvaient émettre. Lorsqu’ils observaient un gaz froid placé devant un corps noir, les constituants du gaz absorbaient la lumière à ces longueurs d’onde et provoquaient les raies d’absorption superposées au spectre continu du corps noir. Bunsen et Kirchhoff firent une découverte encore plus importante lorsqu’ils constatèrent qu’à un gaz donné correspondait un ensemble bien défini de raies. Par exemple, le gaz de sodium se caractérisait toujours par deux raies dans la partie jaune du spectre visible.Cette découverte constituait une avancée majeure. A partir de l’étude du spectre d’un gaz et de ses raies, il devenait possible de déterminer sa composition. Ainsi, par exemple, si le spectre d’un gaz inconnu présentait les deux raies jaunes ci-dessus, ce gaz devait contenir du sodium. Il devenait donc possible, grâce à l’analyse spectrale, de déterminer la composition chimique d’un corps à distance, ce qui constituait une possibilité inespérée pour l’étude des corps célestes.

Découverte de l’hélium

 

Lien entre spectre d'absorption (haut) et spectre d'émission de l'oxygène (bas) par Draper []
Découverte de l’oxygène dans le Soleil par Draper [G]
C’est de l’autre côté de l’Atlantique que l’histoire se poursuit. Henry Draper (1837-1882) est étudiant en médecine et pour les besoins de sa thèse, il utilise un daguerréotype, appareil de photographie inventé en France par Louis Daguerre vers 1835. Attiré par l’astronomie, il a l’idée d’employer ce dispositif pour l’observation des étoiles. En marge de son travail à l’hôpital, il fabrique lui-même un télescope en y associant cet instrument. Devenu professeur de science naturelles à l’université de New-York, il continue de travailler sur des projets de photographie des étoiles en y associant un spectrographe. En 1872, il obtient la photographie du spectre du Soleil qui confirme les raies sombres observées précédemment et découvre la présence d’oxygène dans le Soleil [3].Autre élément remarquable découvert : l’hélium, dont le nom est dérivé du grec hélios (soleil). L’élément hélium (He) a été détecté dans le spectre solaire la première fois en 1868 par le français Pierre-Jules Janssen (1824-1907) pendant une éclipse de Soleil. Sa raie, très proche de celle du sodium n’avait pas été mentionnée lors des précédentes observations [4]. Cette observation est faite simultanément par l’anglais Norman Lockyer. Le chimiste Edward Frankland propose qu’on nomme ce nouvel élément hélium. C’est en 1882 que Luigi Palmieri le découvre en analysant la lave du Vésuve, et il faudra attendre 1895 et les travaux de William Ramsay pour l’isoler.


Sources :

[1] Optiks, Isaac Newton, Livre I
[2] 750 questions d’oral, agrégations de Sciences Physiques, Eddie Verrier.
[3] Des Physiciens de A à Z, André Rousset et Jules Six.
[4] French astronomers in India during the 17th – 19th centuries, Kochhar, R. K. Journal of the British Astronomical Association, vol.101, no.2, p.95-100

Sources images :

[A] Wikipedia, Classification des étoiles (en anglais)
[B] Wikipedia, Isaac Newton
[C] Isaac Newton, Optiks
[D] Wikipedia, Prisme Optique
[E] Wikipedia, A short history of astronomy (1898) (en anglais)
[F] The Pennsylvania State University
[G] Flickr, Hastings Historical Society

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