Des observations et des résultats expérimentaux inattendus, des calculs "abominables" et autres curiosités scientifiques qui font de l'histoire des sciences une aventure humaine passionnante.
Taches solaires par John Worcester – 1128 [1]Tous les 11 ans, le Soleil entre dans une phase d’activité plus intense et on voit apparaître des taches à sa surface. Pour observer le soleil, on utilise aujourd’hui des filtres mais aussi des lunettes pour bien étudier ce phénomène. Mais avant même l’arrivée des télescopes au début du XVIIe, des témoignages de ces observations dans le monde existent. En Europe, il a fallu attendre le XVIIe pour les observer et si on parle souvent de Galilée, force est de constater qu’il ne fût pas le premier comme le prouve cette mystérieuse représentation datant de 1128 et découverte récemment!
L’histoire du télescope
C’est au début de l’année 1610 que Galilée fait ses observations majeures : la découverte des lunes de Jupiter, les phases de Vénus ou encore celles de la surface de la Lune. Il utilise un télescope qu’il a fabriqué lui-même mais il n’est pas l’inventeur de cet objet non plus.
Taches solaires observées par Galilée – août 1612 [3]
Le pouvoir grossissant des lunettes ordinaires est connu dès la fin du XIIIe siècle. D’après Descartes dans sa Dioptrique (1637), c’est un certain Jacob Metius qui invente le télescope sans le chercher, en associant deux lentilles dans un tube vraisemblablement en 1608. La pérennité du télescope est elle-même sujette à polémique et d’autres noms comme Lippensus ou Zacharias Hansen auraient réclamé être les inventeurs de l’instrument [2]. Quoiqu’il en soit, c’est en mai 1609 que Galilée est informé par lettre de cette invention par un ami, Badovère, qui se trouve à Paris. Cependant il a déjà vu à Venise un lunetier travailler et constituer des assemblages semblables. Il fabrique alors une lunette qu’il perfectionne et scrute le ciel avec le succès qu’on connait. Galilée dit à ce moment avoir été le premier à observer les taches solaires. Oui mais…
La découverte des taches solaires en Europe
Hélioscope [7]Vers la fin de l’année 1610, l’astronome allemand Johannes Fabricius dont le père correspond avec Tycho Brahé et Kepler, aperçoit des taches sur le soleil au levant et au couchant du soleil. Il le fait remarquer à son père David Fabricius et tous deux, après plusieurs jours de mauvais temps passés dans la plus fiévreuse impatience, ont l’idée de recevoir sur un carton blanc l’image du soleil passant à travers une ouverture. Ils peuvent ainsi faire le premier suivi des taches solaires. L’épître didacatoire de son manuscrit, De Maculis in sole observatis et apparente earum cum Sole conversione narratio (Discours sur les taches solaires et leur apparente rotation avec le soleil) date du 13 juin 1611 et est imprimé à l’automne de la même année [4]. Aucune date des observations ou d’images n’est présente dans le manuscrit [5]. A partir de la forme des taches et de leur vitesse apparente sur le disque solaire, il valide l’hypothèse qu’avait émise Kepler en 1609 sur la rotation du Soleil [6]. Cependant, pendant cette période florissante pour l’astronomie, la paternité de ces découvertes va être disputée par Christoph Scheiner et Galilée. Simon Marius (1614) et Kepler (1618) écriront bien que la découverte est celle de Fabricius mais il faudra attendre 1723 pour mettre la main sur le fameux document original.
La controverse entre Scheiner et Galilée
Observations du Soleil par Scheiner en 1611 [8]Scheiner est le second savant qui publia ses observations. Jésuite et professeur de mathématiques à Ingolstadt, c’est en mai 1611 qu’il aperçoit des taches solaires à l’aide d’un télescope. Mais d’après son propre témoignage, il n’y apporte que peu d’importance. Ce n’est qu’en octobre de la même année que, troublé par ces taches, il en réfère au père Théodore Busée. Celui-ci, si on en croit la légende, lui répondit qu’il avait lu deux fois les œuvres d’Aristote et qu’il n’y avait rien trouvé de semblable ; qu’apparemment c’était une illusion ou un défaut de la lunette. Il presse Scheiner de supprimer ces observations inutiles et contraires à la doctrine d’Aristote du soleil parfait et de ne pas publier en son nom. Il en informe cependant le sénateur d’Augsbourg, Marc Welser par trois lettres : Tres epistolae de maculis solaribus ad Marcum Velserum sous le pseudonyme d’Apelles [8] dont la première est datée du 12 novembre 1611. C’est dans la réponse à cette lettre que Galilée prétend avoir découvert ces taches depuis dix-huit mois, sans donner la moindre preuve à ses allégations. Il dédaigne Scheiner allant jusqu’à mépriser le jésuite. Piqué au vif, Scheiner dénonce Galilée et ses dialogues coperniciens au Tribunal de l’Inquisition…
Sources :
[1] : Technology through time Issue #35, site de la NASA.
[2] : La revue scientifique de la France et de l’étranger, Le télescope et Galilée, deuxième semestre 1882, page 10.
[3] : Illustrations de Istoria e dimostrazioni alle maccchie solari, Galileo Galilei, 1613.
[4] : Site Galileo project, Johannes Fabricius (en anglais).
[5] : Biographical Encyclopedia of Astronomer, Fabricius Johann, page 354, ed. 2007.
[6] : La revue scientifique de la France et de l’étranger, Le télescope et Galilée, deuxième semestre 1882, page 115.
[7] : Hélioscope, Illustration de Rosa ursina sive so, Christoph Scheiner, 1630
[8] : Tres epistolae de maculis solaribus ad Marcum Velserum en ligne