Des observations et des résultats expérimentaux inattendus, des calculs "abominables" et autres curiosités scientifiques qui font de l'histoire des sciences une aventure humaine passionnante.
1841, Julius von Mayer établit le lien entre mécanique et chaleur
Vaisseaux sanguins
L’énergie est un mot qu’on emploie à tout-va dans notre culture. Pourtant, d’un point de vue physique, c’est terriblement compliqué à définir. Feynman dans ses leçons de Physique [1] imagine des cubes qu’on compte dans une chambre d’enfant et dont on trouve toujours le même nombre quoiqu’il arrive. Aristote et Leibniz avaient remarqué que quelque chose se conservait dans la Nature [2]. Ce quelque chose est abstrait, c’est un nombre qui, quelque soient les combinaisons, ne change jamais. Une sorte de loi de conservation était identifiée dans la Nature.
Le sang des hommes
Julius Robert von Mayer [3]Si par exemple un élève passe par la fenêtre, son énergie de mouvement est la somme de son énergie cinétique (liée à la vitesse) et de son énergie potentielle (liée à sa position par rapport au sol). Mais une fois qu’il s’est écrasé par terre, où est passée l’énergie? Déjà Leibniz avait imaginé que cette énergie était transmise aux particules du corps où il était inaccessible à l’observation. L’idée que cette énergie de mouvement a été transformée en chaleur est familière aujourd’hui (mettez vous une bonne claque et vérifiez que votre joue est plus chaude) mais c’est assez péniblement qu’elle a été vérifiée et acceptée par la communauté scientifique.
C’est le médecin allemand Julius Robert Mayer qui, en publiant sa découverte va révolutionner les sciences de son époque et en particulier la thermodynamique. Après des études médicales à l’Université de Tübingen, il va à Munich, puis Paris, pour étendre ses connaissances scientifiques. Après quoi il s’engage sur un bateau hollandais se rendant aux Antilles. Il a plusieurs fois l’occasion de saigner des hommes de l’équipage, pour les soigner, et il est frappé de voir que le sang est beaucoup plus rouge dès lors qu’on se trouve sous les tropiques. On sait depuis Lavoisier que la chaleur du corps de l’Homme provient de la combustion physiologique des aliments avec le dioxygène respiré. Or, la température extérieure étant plus élevée sous les tropiques, le corps n’a pas besoin d’être le siège de combustion aussi active que sous d’autres latitudes pour que la température du corps reste constante. Le sang contient donc une proportion d’oxygène inutilisé, ce qui donne au sang cette teinte en question.
L’échec
Johann Christian Poggendorff [4]Mayer aurait pu en rester là mais l’homme ne développe pas seulement de la chaleur, il peut aussi fournir du travail, et ce travail peut être employé à produire de la chaleur. Déjà jeune, la question du mouvement perpétuel le préoccupe, il émet l’hypothèse que le travail mécanique et la chaleur, que l’on considère alors comme deux choses dissemblables, sont deux formes d’une seule et même chose. Meyer revient en Europe où il complète ses connaissances en mathématiques et physiques et il écrit un court mémoire « Die Mechanik der Wärme« . Il l’envoie en juillet 1841, par l’intermédiaire de l’éditeur des Annalen der Physik, à Johann Christian Poggendorff, directeur de ces annales, en lui priant de le publier ou de lui renvoyer. Ce dernier ne fait rien de tout ça. Mayer se renseigne si son mémoire a été publié par le biais d’un ami mais comme il n’en est rien, il écrit à nouveau à Poggendorf, auquel il redemande son manuscrit. Mais toutes ces démarches restent vaines. Poggendorf n’a pourtant pas perdu le travail du médecin car on le retrouve dans sa succession et il est publié par la suite. Si Poggendorff n’en a rien fait de son vivant, c’est que dans le travail du jeune médecin de 26 ans, se cache une théorie exacte mais parsemée d’exposés incomplets et erronés, non publiables dans une revue. La grosse erreur qui nuit à tout le travail de Mayer est qu’il a pris pour énergie de mouvement le produit de la masse par le mouvement, or si chez Galilée on appelait le résultat de ce produit « moment », on l’appelle aujourd’hui « quantité de mouvement » mais en aucun cas énergie.
La persévérance
L’échec complet qu’essuya Mayer ne le décourage pas et il remanie ses idées afin de se familiariser davantage avec les principes fondamentaux de la mécanique de son époque. Le mathématicien Christian Jakob Baur l’aide dans cette entreprise et fin 1841, Mayer écrit le mémoire qui fut inséré dans les Annalen der Pharmacie une Chemie de Liebig, et qui contient le résultat principal, à savoir le principe que le travail se transforme en une quantité équivalente de chaleur. On voit que la conduite de Poggendorff à l’égard de Mayer a eu en fin de compte un résultat heureux. L’idée principale de Mayer, connue sous le nom de premier principe de la thermodynamique et qu’il a démontré en premier, c’est que l’énergie au même titre que la matière est une chose qui se conserve, indestructible, une propriété de notre Univers, idée qui fera son chemin et qui est toujours très féconde.
Sources:
[1] Richard Feynman, Leçons sur la Physique [2] Wilhelm Ostwald, L’énergie
[3] Wikipedia, Mayer
[4] Wikipedia, Poggendorff
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