
Notre calendrier actuel, sa structure, son nombre de jours, le décompte des années, je vous invite à quelques petites histoires autour de la notion du temps… Première étape en Egypte.
De tout temps, les hommes contemplent l’univers et admirent son ordre et sa beauté, et ils sont saisis de vénération à l’aspect du soleil et de la lune. Les égyptiens voient dans le soleil et la lune comme deux divinités éternelles ; ils nomment l’un Osiris et l’autre Isis, deux noms dont, d’après Diodore de Sicile, l’étymologie se justifie : Osiris, traduit en grec, signifie qui a plusieurs yeux ; en effet, les rayons du soleil sont autant d’yeux avec lesquels cet astre regarde la terre et la mer. Le nom d’Isis signifie ancienne, rappelant ainsi l’origine antique de cette déesse.
« Ce sont là les dieux qui, selon eux, gouvernent l’univers, et qui nourrissent et développent tous les êtres dans une période de trois saisons, le printemps, l’été et l’hiver, saisons dont le retour constant forme l’ordre régulier des années. »
Les égyptiens ont donc des années quadrimensuelles, faites de trois saisons : Akhet (inondation), Peret (émergence des terres) et enfin Shemou (eaux basses).



On s’accorde à penser que les premières civilisations sont nées de l’organisation à grande échelle de l’agriculture, sur les rives des grands fleuves du Moyen-Orient (Nil, Euphrate, Tigre, Indus) et de la Chine. L’agriculture à proximité des grands fleuves bénéficie d’une terre facile à travailler et de la crue des eaux, qui doit être mise à profit par des travaux d’irrigation considérables. Le Nil rythme la vie économique de l’Egypte : ses eaux commencent à croître à partir du solstice d’été, ce qui permet d’irriguer les champs ; et les crues continuent jusqu’à l’équinoxe d’automne. Le Nil gonfle ses eaux de presque 7 mètres par endroit et c’est ensuite le reflux jusqu’à l’été suivant. Les Egyptiens disposent d’instruments de mesure rudimentaires des positions astronomiques. Les Egyptiens savent que la crue du Nil coïncide avec le lever héliaque de Sirius, c’est-à-dire quand le Soleil et en conjonction avec l’étoile Sirius. Ainsi, de la même manière que le début de la journée est dictée par le lever du Soleil, le début de l’année est marquée par la montée des eaux du Nil. On place des « Niloscope » pour identifier ce moment si important pour l’économie du pays. Pour la petite histoire, Sirius appartient à la constellation du Petit Chien, ou Canis Minor, qui donnera le mot « canicule ».

Les égyptiens utilisaient l’aspect saisonnier de l’étoile Sirius (Sothis), qui correspond étroitement à l’année solaire véritable, avec seulement 12 minutes de moins. Selon les sources, le calendrier égyptien s’appuyait sur Canopus, la deuxième étoile la plus brillante, ou sur le solstice d’été, ou d’hiver. Mais c’est plus vraisemblablement, vu le nombre d’inscriptions qui nous sont parvenues, à partir de l’observation de la lune et de ses cycles que les égyptiens adoptent un calendrier lunaire où chaque mois est composé de 30 jours. L’égyptologue Breasted fait remonter à 4236 av. J.-C., la date la plus ancienne connue dans le calendrier égyptien.
Cependant, le Soleil ne revient pas à sa position initiale dans le ciel après un nombre de mois entier, mais après environ 12 lunaisons et 5 jours. Afin de palier ce décalage, les égyptiens introduisent le calendrier civil : une année est divisée en 12 mois de 30 jours, plus 5 jours dits épagomènes. Une des plus anciennes preuves de l’adoption des jours épagomènes se situe dans une tombe de l’Ancien Empire, sous la Ve dynastie à Tehneh (env. 2460 av. J.-C.), dans la tombe de Nekonekh, cousin du premier roi de la Ve dynastie Userkaf, qui installera le culte du roi Soleil Rê. Le calendrier est représenté sur le mur Est de la tombe dont Georges Fraser fait une description détaillée en 1903. Il identifie au centre un calendrier.


Au-dessus des mois, on trouve tout à droite, en premier, une femme respirant une fleur, c’est la femme du cousin du roi Userkaf, Hezethekenu, qui était prêtresse de la déesse Hathor, elle est suivie (sur la gauche) par des prêtres, qui sont aussi ses fils.

En 1906, l’égyptologue Breasted, identifie que chaque mois, le prieuré d’Hathor est géré par une personne différente et que les jours épagomènes ainsi que le premier mois sont présidés par la femme de Nekonekh, Hezethekenu, confidente du roi Userkaf. En dessous du nom des saisons, Fraser identifie des noms de lieux. Pour ce qui nous intéresse, on retrouve là trois saisons de quatre mois. Toute à droite, et donc en début d’année, on a un rectangle à part, qui correspond aux jours épagomènes. On lit ensuite de droite à gauche, la première saison, Akhet (inondation), puis Peret (émergence des Terres) et enfin Shemou (eaux basses).

Une autre preuve incontestable des jours épagomènes se trouve dans les documents de Harhotpe, datant du début du Moyen Empire (env. 1950 av. J.-C.). Un papyrus fragmentaire énumère, sur les deux faces, les quantités de céréales distribuées chaque jour, « les rations des soldats ». Le recto énumère les jours 20 à 25, puis, après la partie centrale manquante, la suite est la « naissance de Seth, la naissance d’Isis, la naissance de Nephtys », suivie des premiers jours de la nouvelle année. Comme au verso, la partie manquante laisse un espace de 6 lignes, des jours 9 à 14, les naissances de Seth, d’Isis et de Nephtys se situent après, et doivent donc être des jours épagomènes.


Quoiqu’il en soit, ce calendrier sous-estime encore d’environ 6 heures la durée de l’année et mène à un décalage progressif des saisons. Avec le temps, l’écart entre le calendrier civil et l’ancienne structure lunaire devient de plus en plus important. Le calendrier lunaire étant régi par le lever de Sirius, qui marque le début de l’année, ses mois correspondent à la même saison chaque année, tandis que le calendrier civil, quant à lui, évolue au fil des saisons, l’année civile étant plus courte d’environ un quart de jour que l’année solaire. Ainsi, tous les quatre ans, il est en retard d’un jour sur l’année solaire, et après 1 460 ans, il se retrouve en accord avec le calendrier luni-solaire. Cette période est appelée cycle Sothique.
Le calendrier civil servait au gouvernement et à l’administration, tandis que le calendrier lunaire continuait de réguler les affaires religieuses et la vie quotidienne.
Références bibliographiques et webographiques
Breasted J. H., Ancient Records of Egypt, Fifth Dynasty : Userkaf, p.102, 1906 https://archive.org/details/BreastedJ.H.AncientRecordsEgyptAll5Vols1906/page/n133/mode/2up
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https://books.google.fr/books?id=2LBjMEmWYSoC&pg=PA7&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=2#v=onepage&q&f=false
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Tome premier, Livre I,12-13
https://remacle.org/bloodwolf/historiens/diodore/livre1b.htm
Fraser W., The early tombs at Tehneh, Annales du Service des Antiquités de l’Égypte 3, pp. 67–76, 122–130, 5 plates, 1902
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5724881p/f77.item.r=The%20early%20tombs%20at%20Tehneh
James T.G.H., The Hekanakhte Papers, pl. 16 and pl. 17, p. 71-74, New York, 1962.
https://libmma.contentdm.oclc.org/digital/collection/p15324coll10/id/163532
Sénéchal D., Histoire des Sciences, 2009
Spalinger A., Ancient Egyptian Calendars: How Many Were There? Journal of the American Research Center in Egypt, Vol. 39, pp. 241-250, 2002.
https://books.google.fr/books?id=2LBjMEmWYSoC&pg=PA7&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=2#v=onepage&q&f=false
Weggelar N. & Kort C., The Calendar Reforms of Ancient Egypt,
https://www.academia.edu/14943502/THE_CALENDAR_REFORMS_OF_ANCIENT_EGYPT

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