
Astrologie et astronomie ont été depuis toujours été intimement liées. Petit voyage à travers les âges.
A quoi reconnaît-on un journal sérieux ? Voilà la question que me posa un partiel d’examen d’astronomie après un semestre d’études acharnées. La réponse attendue était : il n’y a pas d’horoscope. Les signes du zodiaque sont entourés de mythes plus ou moins anciens et constituent une véritable source de revenus pour des astrologues peu scrupuleux (qui ne sont pas au courant de phénomènes physiques comme la précession des équinoxes ou le fait que Pluton ne soit plus catalogué comme une planète). Des tentatives d’explications rationnelles des noms des signes du zodiaque furent avancées à travers les siècles et méritent une petite note.
L’abbé Pluche tente de nous expliquer
Noël-Antoine Pluche (1688-1761), prêtre originaire de Reims, dans deux ouvrages Histoire du Ciel et Spectacle de la Nature, tente un raisonnement naturaliste d’explication des constellations. Selon l’abbé, le Bélier est placé au début du printemps car les brebis mettent bas de leurs agneaux à cette période de l’année. Le taureau le mois suivant indique la fécondité des vaches, les gémeaux celle des chèvres. Il mentionne qu’à la place des gémeaux, les égyptiens peignaient deux chèvres. Le Lion répond aux chaleurs de l’été, la Vierge avec son épis au temps des moissons, la Balance au temps où la durée du jour est égale à celle de la nuit, le Scorpion indique les maladies de l’automne, le Sagittaire, la saison des chasses, le Poisson, l’usage de la pêche à la fin de l’hiver. Fondées sur aucune base théorique solide, les hypothèses ne peuvent pas mériter beaucoup de crédit et la tentative de lier Ciel et Terre et de trouver des relations logiques aux noms des signes est une entreprise propre au courant naturaliste qui est à l’œuvre au XVIIIe siècle.

Macrobe et les constellations des solstices
Dans nos calendriers modernes, le solstice d’été (vers le 21 juin) coïncide avec la constellation du Cancer (Crabe et Écrevisse sont également trouvés), tandis que le solstice d’hiver (vers le 22 décembre) est lié à la constellation du Capricorne. L’écrivain et philosophe du IVe siècle Flavius Macrobius Ambrosius Theodosius, ou Macrobe, écrit dans son le livre I des Saturnales, chapitre XVII une hypothèse intéressante :
« Ideo autem his duobus signis quae portae solis vocantur, Cancro et Capricorno, haec nomina contigerunt, quod Cancer animal retro atque oblique cedit, eademque ratione sol in eo signo obliquum, ut solet, incipit agere retrogressum: caprae vero consuetudo haec in pastu videtur, ut semper altum pascendo petat, sed et sol in Capricorno incipit ab imis in alta remeare »
Traduction google :
« Mais pour cette raison, ces deux signes qui sont appelés les portes du soleil, le Cancer et le Capricorne, ont reçu ces noms, parce que le Cancer, l’animal, recule en arrière et obliquement, et pour la même raison, le soleil dans ce signe commence à agir obliquement, comme il a l’habitude de le faire : mais la coutume de la chèvre en pâturage semble être qu’elle cherche toujours un terrain élevé en broutant, mais le soleil en Capricorne commence également à revenir du plus bas au plus haut. »
Il croit que les noms de Cancer et de Capricorne ont été donnés à cause des démarches particulières de ces deux animaux. Le Cancer ou l’Écrevisse recule, comme semble faire le Soleil en retournant sur ses pas après le solstice d’été. La chèvre (Capricorne), en paissant, cherche toujours à monter, comme le fait le Soleil après le solstice d’hiver. Cette explication a le mérite de chercher à lier l’observation de la Nature terrestre avec l’observation du ciel. Voilà qui a eu de quoi inspirer notre abbé français…

Restons un peu en terres latines, puisque d’après Virgile, la constellation de la Balance aurait été introduite par les Romains. Le dixième signe s’appelait les Serres du Scorpion, Chelae Scorpionis, et ce serait les Romains qui ont introduit la Balance pour glorifier César si on en croit les vers que Virgile adressa à l’empereur :
« Ipse tibi jam brachia contrahit ardens
Scorpius, & caeli plus justa parte relinquit. »
Traduction :
« Lui-même contracte maintenant ses bras pour toi, Scorpion brûlant, et laisse davantage de ciel à sa juste place. »
Une autre hypothèse du professeur de Cambridge John Martyn est qu’Auguste, héritier et successeur de César, est né sous le signe de la Balance et Virgile aurait signifié par cette nouvelle constellation la naissance d’Auguste et non la Justice de César. Comme on va le voir plus loin, cette fable ne tient pas la route.
Les signes du zodiaque et la mythologie grecque
De nos jours, on trouve douze signes, chacun correspondant plus ou moins à un mois de l’année. Cette subdivision du ciel en douze parties pourrait remonter aux Babyloniens ou Chaldéens. Mais dans notre promenade temporelle, passons voir les Grecs.

On trouve dans les Catastérismes d’Eratosthène de Cyrène, un effort pour relier constellations du ciel et mythologies de l’Antiquité. Dans le précis de Commelin Mythologie grecque et romaine, on trouve un condensé de ces origines poétiques :
- Le Bélier est le bélier à la toison d’or immolé à Jupiter et transporté au firmament.
- Le Taureau est la forme que prit Jupiter pour enlever Europe, ou selon certains poètes, c’est Io que Jupiter emporta au ciel, après l’avoir métamorphosée en génisse, pour d’autres, c’est le taureau d’airain qu’on trouve dans le récit des Argonautes.
- Les Gémeaux représentent les Dioscures, compagnons de Jason, Castor et Pollux.
- L’Écrevisse (ou le Cancer) est l’animal que Junon envoya contre Hercule, lorsqu’il combattit l’hydre de Lerne et dont il fut mordu au pied; mais il la tua et Junon la mit au nombre des signes du Zodiaque.
- La constellation du Lion représente le lion de la forêt de Némée, étouffé par Hercule.
- La Vierge, suivant les uns, c’est Erigone, fille d’Icarius, modèle de piété filiale; suivant d’autres, c’est Astrée ou la Justice, fille de Thémis et de Jupiter. Elle descendit du ciel durant l’âge d’or mais les crimes des hommes l’ayant forcée de quitter successivement les villes, puis les campagnes, elle retourna au ciel.
- La Balance, symbole de l’Equité, représente la balance même de la Justice ou d’Astrée.
- Le Scorpion, par ordre de Diane, piqua vivement au talon le fier Orion.
- Le Sagittaire, moitié homme, moitié cheval, tenant un arc et tirant une flèche est Chiron le Centaure.
- Le Capricorne est la chèvre d’Amalthée laquelle allaita Jupiter. Elle est au rang des astres avec ses deux chevreaux.
- Le Verseau, en latin Aquarius, c’est Ganymède enlevé au ciel par Jupiter; selon d’autres c’est Aristée, fils d’Apollon et de Cyrène, père d’Actéon dévoré par ses chiens.
- Enfin, les Poissons sont ceux qui portèrent sur leur dos Vénus et l’Amour. Fuyant la persécution du géant Typhon, Vénus, accompagnée de son fils Cupidon, fut portée au-delà de l’Euphrate par deux poissons.
En Egypte
Il existe aussi une origine égyptienne des signes du zodiaque bien attestée.
Des constellations apparaissent pour la première fois sur certains couvercles de cercueils au début du IIe millénaire avant notre ère. On y trouve quatre constellations, deux dans le ciel septentrional et deux dans ses régions méridionales : la déesse Nout (Nw.t) tenant le hiéroglyphe du ciel, la Patte antérieure (msḫt.jw), appartenant à Seth, la figure de Sah (sȝḥ), manifestation céleste d’Osiris, et la déesse debout de Sopdet (spd.t), souvent associée à Isis. Je vous invite à lire le papier de Gyula Priskin, accessible en pdf très complet (le lien est en bas), avec les représentations des constellations égyptiennes dans le ciel et leur correspondance avec nos constellations actuelles. Par exemple, j’aime beaucoup la constellation qui montre Isis, avec l’étoile Sirius à son sommet. Je vous laisse faire le lien avec mon article précédent sur le rôle de Sirius dans le calendrier égyptien. On y trouve à côté Osiris, qui correspond à notre Orion. Deux petits exemples parmi tant d’autres.


Frédéric Samuel Schmidt de Rossan (1737-1796), érudit suisse, rapproche les douze signes du zodiaque aux divinités égyptiennes dans une dissertation latine adressée à l’Académie des Antiquaires de Londres que l’on trouve dans un journal de Berne. Il y expose la paternité égyptienne des constellations zodiacale en y figurant les divinités associées. On y retrouve Anubis et tout son panthéon égyptien.
En Mésopotamie
Les premiers recueils officiels de listes d’étoiles sont les textes des Trois Étoiles, parus vers le XIIe siècle av. J.-C. en Mésopotomie. Les tablettes d’argile représentent une division tripartite du ciel : l’hémisphère nord appartenait à Enlil, l’équateur à Anu et l’hémisphère sud à Enki. Les limites sont à 17 degrés nord et sud, de sorte que le Soleil passait exactement trois mois consécutifs dans chaque tiers. L’énumération des étoiles dans les catalogues des Trois Étoiles comprend 36 étoiles, trois pour chaque mois.
Le deuxième recueil officiel d’étoiles de l’astronomie babylonienne est le MUL.APIN, une paire de tablettes nommées d’après leur incipit. L’histoire de la composition de MUL.APIN – qui l’a composée, quand et où – reste malheureusement incertaine. Les plus anciennes copies conservées datent du début du VIIe siècle av. J.-C.. Cette tablette, provenant d’Assur, a été écrite l’année éponyme de Sennachérib, correspondant à 687 av. J.-C., et les autres sources d’Assur proviennent d’archives datant d’environ la même époque. MUL.APIN occupe une place importante dans l’histoire de l’astronomie babylonienne. Pour les érudits de la période néo-assyrienne et des années suivantes, ce texte représente l’apogée de l’astronomie babylonienne primitive, présentant un modèle complet et cohérent du monde céleste. Mais, loin de marquer la fin de cette tradition astronomique primitive, MUL.APIN devint le fondement des développements ultérieurs de l’astronomie.

Cette liste est une descendante directe de la liste des Trois Étoiles, remaniée vers 1000 av. J.-C. sur la base d’observations plus précises. Elle comprend davantage de constellations, dont la plupart des constellations circumpolaires, et davantage de constellations zodiacales, puisqu’on en trouve 18 :
- Les étoiles des étoiles (les Pléiades)
- Le Taureau céleste
- Le loyal berger céleste (Orion)
- Le Vieux (Persée)
- Le Cimeterre (le Cocher)
- Les Jumeaux (les Gémeaux)
- L’Ecrevisse (le Cancer)
- Le Lion
- Le Sillon de la semence (la Vierge)
- Les Echelles (la Balance)
- Le Coupeur (le Scorpion)
- Le Surveillant (le Sagittaire)
- Le Poisson-Chèvre (le Capricorne)
- Le Grand (le Verseau)
- Les Queues (les Poissons)
- La Grande Hirondelle (2 étoiles de la constellation du Poisson)
- La déesse Anunitu ou le Cerf (une étoile des Poissons et Andromède)
- Le Fermier (le Bélier)
On voit que les douze constellations sont déjà présentes, parfois sous des noms légèrement différents. Vers le Ve siècle avant J.-C., les textes astronomiques babyloniens commencent à décrire les positions du Soleil, de la Lune et des planètes selon douze signes équidistants, chacun associé à une constellation zodiacale, divisée en 30 degrés. Ce zodiaque normalisé est fixé aux étoiles et totalise 360 degrés.
On suppose que l’astrologie, sous une forme ou une autre, est apparue à l’époque sumérienne, au IIIe millénaire av. J.-C., mais les références isolées à d’anciens présages célestes datant de cette période ne sont pas considérées comme des preuves suffisantes pour démontrer une théorie intégrée de l’astrologie. L’histoire de la divination céleste savante débute donc généralement avec les textes de la fin de l’époque paléo-babylonienne (vers 1800 av. J.-C.) et se poursuit jusqu’aux périodes médio-babylonienne et médio-assyrienne (vers 1200 av. J.-C.).
Au XVIe siècle av. J.-C., l’utilisation intensive de l’astrologie basée sur les présages est attestée par la compilation d’un ouvrage de référence complet connu sous le nom d’Enuma Anu Enlil. Son contenu comprenait 70 tablettes cunéiformes contenant 7 000 présages célestes. Les textes de cette époque font également référence à une tradition orale, dont l’origine et le contenu ne peuvent être que spéculés.

Effort difficile que d’essayer de trouver de la rationalité dans les mythes fondateurs de l’Humanité, peut-être vaut-il mieux simplement accepter ces histoires antiques comme de jolies fables et ne pas chercher à leur faire raconter ce qu’elles ne disent pas, ou pire, y chercher une fausse rationalité comme le font les astrologues…
Références bibliographiques et webographiques
Commelin R., Mythologie grecque et romaine, 1994
Eratosthène de Cyrène, Catastérismes http://remacle.org/bloodwolf/erudits/eratosthene/constellations.htm
Hunger H., The Babylonium Astronomical Compendium MUL.APIN
https://peachv.org/images/MuslimGeo/BabyAstroMulApinHunger.pdf
Macrobe, Saturnalia, Livre 1, Chap. XVII, page 166.
http://penelope.uchicago.edu/Thayer/L/Roman/Texts/Macrobius/Saturnalia/1*.html
Priskin G., The Constellations of the Egyptian Astronomical Diagrams
http://www.enim-egyptologie.fr/revue/2019/8/Priskin_ENiM12_p137-180.swf.pdf
Pluche N.-A., Spectacle de la Nature, Tome IV, page 311
http://docnum.unistra.fr/cdm/fullbrowser/collection/coll13/id/53847/rv/compoundobject/cpd/54165
Schmidt de Rossan F. S., Excerptum totius Italicae necnon, Helveticae Literraturae, 1760, page 70.
Virgilii Maronis, Georgicorum, livre IV, Traduction anglaise avec notes, John Martyn, page 10.
https://archive.org/details/bim_eighteenth-century_georgics-english-and-l_virgil_1741
Wikipedia
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