Les constellations du zodiaque

A quoi reconnaît-on un journal sérieux?

Mosaïque du ve siècle de la synagogue de Beth Alpha représentant les signes du zodiaque. [A]
Mosaïque du Ve siècle de la synagogue de Beth Alpha représentant les signes du zodiaque. [A]
Voilà la question que me posa un partiel d’examen d’astronomie après un semestre d’études acharnées. La réponse attendue était : il n’y a pas d’horoscope. Les signes du zodiaque sont entourés de mythes plus ou moins anciens et constituent une véritable source de revenus pour des astrologues peu scrupuleux (qui ne sont pas au courant de phénomènes physiques comme la précession des équinoxes ou le fait que Pluton ne soit plus catalogué comme une planète). Des tentatives d’explications rationnelles des noms des signes du zodiaque furent avancées à travers les siècles et méritent une petite note.
Les signes du zodiaque et la mythologie grecque

 

Les signes du zodiaque, gravure sur bois du xvie siècle [B]
Les signes du zodiaque, gravure sur bois du xvie siècle [B]
Comme chacun sait, on trouve douze signes, chacun correspondant à un mois de l’année. Cette subdivision du ciel en douze parties pourrait remonter aux Babyloniens ou Chaldéens. Une origine possible de ce chiffre particulier qu’est 12 pourrait venir du système de comptage employé à l’époque et basé sur les phalanges d’une main! Pliez votre pouce et tendez les quatre autres doigts. Vous faites ainsi apparaître nettement trois phalanges par doigt et avec les quatre doigts, vous en avez donc douze. Avec deux mains, vous aurez ainsi vingt-quatre unités pour compter (je vous laisse réfléchir à combien d’heures nous avons dans une journée). Refermons cette parenthèse sur l’histoire de la mesure du temps pour revenir aux signes du zodiaque.On trouve dans les Catastérismes d’Eratosthène de Cyrène [1], un effort pour relier constellations du ciel et mythologies de l’Antiquité. Dans le précis de Commelin Mythologie grecque et romaine [2], on trouve un condensé de ces origines poétiques :

 

Portrait d'Ératosthène [C]
Portrait d’Ératosthène [C]
Le Bélier est le bélier à la toison d’or immolé à Jupiter et transporté au firmament. Le Taureau est la forme que prit Jupiter pour enlever Europe, ou selon certains poètes, c’est Io que Jupiter emporta au ciel, après l’avoir métamorphosée en génisse. Les Gémeaux représenteraient Castor et Pollux. L’Écrevisse (ou le Cancer) fut l’animal que Junon envoya contre Hercule, lorsqu’il combattit l’hydre de Lerne et dont il fut mordu au pied; mais il la tua et Junon la mit au nombre des signes du Zodiaque. La constellation du Lion représente le lion de la forêt de Némée, étouffé par Hercule. La Vierge, suivant les uns, c’est Erigone, fille d’Icarius, modèle de piété filiale; suivant d’autres, c’est Astrée ou la Justice, fille de Thémis et de Jupiter. Elle descendit du ciel durant l’âge d’or mais les crimes des hommes l’ayant forcée de quitter successivement les villes, puis les campagnes, elle retourna au ciel. La Balance, symbole de l’Equité, représente la balance même de la Justice ou d’Astrée. Le Scorpion, par ordre de Diane, piqua vivement au talon le fier Orion. Le Sagittaire, moitié homme, moitié cheval, tenant un arc et tirant une flèche est Chiron le Centaure. Le Capricorne est la chèvre d’Amalthée laquelle allaita Jupiter. Elle est au rang des astres avec ses deux chevreaux. Le Verseau, en latin Aquarius, c’est Ganymède enlevé au ciel par Jupiter; selon d’autres c’est Aristée, fils d’Apollon et de Cyrène, père d’Actéon dévoré par ses chiens. Enfin, les Poissons sont ceux qui portèrent sur leur dos Vénus et l’Amour. Fuyant la persécution du géant Typhon, Vénus, accompagnée de son fils Cupidon, fut portée au-delà de l’Euphrate par deux poissons.

Cependant, il existe aussi une origine égyptienne des signes du zodiaque bien attestée. Frédéric Samuel Schmidt de Rossan (1737-1796), érudit suisse, rapporte les douze signes du zodiaque aux divinités égyptiennes dans une dissertation latine adressée à l’Académie des Antiquaires de Londres que l’on trouve dans un journal de Berne [3]. Il y expose la paternité égyptienne des constellations zodiacale en y figurant les divinités associées. On y retrouve Anubis et tout son panthéon. Mais y aurait-il une explication autre qu’avec des Dieux et des fables?

Macrobe et les constellations des solstices

Macrobe et son fils Eusthatius
Macrobe et son fils Eusthatius [D]
Les solstices d’été (21 juin) et d’hiver (22 décembre) marquent le début des constellations de l’Écrevisse (ou crabe ou cancer) et du Capricorne dans nos calendriers modernes. L’écrivain et philosophe du IVe siècle Flavius Macrobius Ambrosius Theodosius, ou Macrobe, écrit dans son le livre I des Saturnales, chapitre XVII [4] une hypothèse intéressante :

Ideo autem his duobus signis quae portae solis vocantur, Cancro et Capricorno, haec nomina contigerunt, quod Cancer animal retro atque oblique cedit, eademque ratione sol in eo signo obliquum, ut solet, incipit agere retrogressum: caprae vero consuetudo haec in pastu videtur, ut semper altum pascendo petat, sed et sol in Capricorno incipit ab imis in alta remeare.

Il croit que les noms de Cancer et de Capricorne ont été donnés à cause de la marche particulière de ces deux animaux. Le Cancer ou l’Écrevisse recule, comme semble faire le Soleil en retournant sur ses pas après le solstice d’été. La chèvre (Capricorne), en paissant, cherche toujours à monter, comme le fait le Soleil après le solstice d’hiver.  Cette explication, moins poétique, a le mérite de chercher à lier l’observation de la Nature terrestre avec l’observation du ciel. Cet effort peut-il être étendu aux autres constellations?

L’abbé Pluche et les autres constellations

Une image de l'abbé Pluche [E]
Une image de l’abbé Pluche [E]
Noël-Antoine Pluche (1688-1761), prêtre originaire de Reims a tenté dans deux ouvrages Histoire du Ciel et Spectacle de la Nature de prolonger le raisonnement de Macrobe. Fondées sur aucune base théorique solide, les hypothèses de l’abbé Pluche, comme on l’appelait, ne peuvent pas mériter beaucoup de crédit mais encore une fois, la tentative de lier Ciel et Terre et de trouver des relations logiques aux noms des signes est une entreprise intéressante bien qu’assez proche du courant naturaliste qui est à l’oeuvre dans ce XVIIIe siècle [5]. Selon l’abbé, le Bélier avait été placé au début du printemps car les brebis mettent bas de leurs agneaux à cette période de l’année. Le taureau le mois suivant indiquait la fécondité des vaches, les gémeaux celle des chèvres. Il faut ici remonter à Hérodote pour en trouver une justification. Il mentionne qu’à la place des gémeaux, les égyptiens peignaient deux chèvres. Le Lion répond aux chaleurs de l’été, la Vierge avec son épis au temps des moissons, la Balance au temps où la durée du jour est égale à celle de la nuit, le Scorpion indique les maladies de l’automne, le Sagittaire, la saison des chasses, le Poisson, l’usage de la pêche à la fin de l’hiver.
Les limites du système de Pluche

 

La Balance n’est pas un signe que l’on trouve chez les égyptiens qui n’en comptent que 11. Le dixième signe s’appelait les Serres du Scorpion, Chelae Scorpionis, et ce sont les Romains qui ont introduit la Balance pour glorifier César si on en croit les vers que Virgile  adressa à l’empereur :

Ipse tibi jam brachia contrahit ardens

Scorpius, & caeli plus justa parte relinquit.

Une autre hypothèse du professeur de Cambridge John Martyn [6] est qu’Auguste, héritier et successeur de César, est né sous le signe de la Balance et Virgile aurait signifié par cette nouvelle constellation la naissance d’Auguste et non la Justice de César.

Effort difficile que d’essayer de trouver de la rationalité dans les mythes fondateurs de l’Humanité, peut-être vaut-il mieux simplement accepter ces histoires antiques comme de jolies fables et ne pas chercher à leur faire raconter ce qu’elles ne disent pas, ou pire, y chercher une fausse rationalité comme le font les astrologues…


Sources
[1] Catastérismes d’Eratosthène de Cyrène, Oeuvre numérisée en ligne sur le site « L’Antiquité grecque et latine du Moyen-Âge« .
[2] Mythologie grecque et romaine, Commelin, 1994
[3] Excerptum totius Italicae necnon Helveticae Literraturae, 1760, page 70.
[4] Saturnalia, Macrobii, Livre 1, Chap. XVII Que tous les dieux se rapportent au soleil et qu’il est démontré par les divers noms d’Apollon, qu’il est lui aussi le même dieu que le soleil. Texte intégral en latin, page 166.
[5] Spectacle de la Nature, Noël-Antoine Pluche, Tome IV, ce qui regarde le ciel et les liaisons des différentes parties de l’Univers avec les besoins de l’Homme, page 311, numérisé par le SCD de l’Université de Strasbourg.
[6] Virgilii Maronis Georgicorum, livre IV, Traduction anglaise avec notes, John Martyn, page 10.


Sources images
[A] Mosaïque du ve siècle de la synagogue de Beth Alpha représentant les signes du zodiaque, Wikipedia
[B] Les signes du zodiaque, gravure sur bois du xvie siècle, Wikipedia
[C] Portrait d’Ératosthène, Wikipedia
[D] Macrobe et son fils Eusthatius : manuscrit du Commentaire au Songe de Scipion (XIIe siècle, British Library), Wikipedia
[E] Une image de l’abbé Pluche, Wikipedia

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